La demoiselle du bar…

Publié le par Nguema Ndong

La demoiselle du bar…

Nous étions aux alentours de 20 h, mon téléphone sonna juste une fois, je n’eus pas le temps de décrocher. Un second appel du même numéro arriva quelques secondes après et ce fut la même chose. Je compris que la personne ne voulait pas que je décrochasse, mais elle « bipait ». Ce numéro m’était familier. C’était celui d’une demoiselle que je croisai plus tôt dans la semaine dans un bar pourri de Louis au cours d’une virée nocturne entre potes. Nous n’avions pas rendez-vous ce soir-là, je ne voyais pas l’urgence de rappeler. 

 

C’était une de ces amazones aux poitrines proéminentes et aux fesses charnues qui écument les établissements de nuit à la recherche du premier pigeon qui va leur offrir des verres. L’alcool faisait effet, je ne fus point insensible à ses formes aguicheuses et à ses mouvements lascifs. La demoiselle manquait, certes, de classe, mais elle avait du sex-appeal à revendre. C’était le type de femme qui vous provoque un priapisme si vous portez un regard insistant sur elle. Quant à ses airs un peu trop Mapane, je n’avais pas à me plaindre, ce n’est pas en enfer que l’on va chercher des anges. Après l’échange de numéros et les deux verres offerts, je pris congé d’elle, car nous étions sur le départ. Le lendemain, nous échangeâmes quelques messages évasifs. Je peux juste garantir que la syntaxe de mon interlocutrice était des plus bancales. Déchiffrer ce hiéroglyphe exigeait des connaissances en égyptologie.

Un troisième coup de fil arriva et cette fois le téléphone sonna jusqu’à ce que je pus décrocher. « Allô ! Bonsoir bébé, sans me laisser le temps de répondre, peux-tu m’appeler, s’il te plaît » et la demoiselle raccrocha. J’étais surpris du « bébé » dont on venait de m’affubler. Pour deux ou trois messages, même pas licencieux, je bénéficiais d’un tel degré d’affection. N’étant pas né de la dernière virée nocturne, la méfiance ne tarda point à s’éveiller en moi. Par politesse, je la rappelai.
 

  • Moi : Bonsoir v…
  • Elle : Rebonsoir bébé. Tu es où ?
  • Moi : Pardon ?
  • Elle : Bébé ! tu es où ? J’ai envie de te voir.
  • Moi : Y a-t-il un problème particulier ?
  • Elle : Non ! J’ai seulement envie de te voir.
  • Moi : ah d’accord. Je suis au quartier. Je prends une bière avec un ami.
  • Elle : OK ! Je viens vous rejoindre ? 
  • Moi : Pas de souci. Nous sommes au bar chez…, tu connais ?
  • Elle : Oui, je connais. Je serai là dans une vingtaine de minutes.

 

J’étais un peu décontenancé par le côté abrupt de la demoiselle. Forcer la main de la sorte à un homme afin d’avoir une invitation était à mon sens une chose antipodale aux bonnes mœurs. Mais venant d’elle, la surprise n’était pas démise. J’avais déjà accepté et je ne pouvais plus faire marche arrière. Par ailleurs, je n’étais pas insensible au fait que j’allais pouvoir la revoir et cette fois-ci j’avais l’avantage du terrain. Nous allions jouer dans mon territoire. Des pulsions libidinales contaminèrent tout mon être.  

 

Dix minutes plus tard, la demoiselle entra dans le bar. Brillant de mille éclats avec le visage grimé comme le Ngoane Ntang (un masque fang), sa perruque lui donnait un aspect semblable à celui de Tina Turner. Elle portait un leggin et un petit haut qui semblait trop petit pour elle. On ne pouvait pas dire qu’elle avait beaucoup regardé des émissions de shopping à la télévision, car elle était réellement dépourvue d’élégance. En la voyant, je commençais à maudire l’ébriété. De par sa faute, nous commettons des choses que l’on regrettera plus tard. Il n’y avait aucun doute, c’était le prototype même du « poisson-zeil ». L’établissement étant clairsemé ce dimanche soir, elle ne mit pas longtemps avant de nous trouver. Elle se dirigea vers où nous étions attablés. Nous nous embrassâmes, mais pas comme des amoureux. Il vaut mieux éviter certains gestes avec certaines personnes en public. Je l’invitai à s’asseoir tout en la présentant à mon ami. Celui-ci lui proposa de lui baiser la joue, ce à quoi elle répondit par un « non » énergétique. Un peu offusqué par cette petite avanie, mon ami s’assit honteusement.

 

La serveuse s’approcha pour sa commande. Sans prendre le loisir de regarder ce que nous buvions, la jeune dame se lança dans des commandes onéreuses comme le font d’ailleurs la plupart des filles de cette moralité. Je me demande parfois si leur but est de pousser les hommes à des dépenses excessives. À croire qu’elles se disent : « tu veux de moi mec ? Alors, mets-y le prix ». Pis, elles ne vous demanderont jamais si vous avez assez d’argent pour prendre en charge leurs commandes. Et pourtant chaque jour on apprend des mésaventures dans des débits de boissons ou même dans des restaurants. Certains hommes face à une note salée prétextent souvent une envie d’uriner pour prendre la clé des champs. Le zen de la demoiselle m’abasourdit. Non gênée de commander deux bouteilles d'Heineken quand mon ami et moi ne buvions chacun qu’une modeste bouteille de REGAB (la canette étant plus chère).

 

À peine étions-nous assis que le téléphone de mon ami sonna. Il se leva pour aller répondre à l’extérieur. Quelques minutes après, il revint nous annoncer qu’il devait nous quitter, car il avait affaire à ailleurs. Nous étions maintenant tous les deux. Avec une personne comme elle, il serait miraculeux de parler d’ajustement structurel ou de la monade. Non, la discussion portait sur le droit de laisser sa femme boire et sortir tous les week-ends. Je me disais qu’épouser une telle créature, c’est s’offrir un avenir infernal. Vous n’avez aucun centre d’intérêt en commun. La seule fois que vous pourriez parler pendant de longues heures, c’est quand vous vous chamaillerez. Lorsque l’on va provoquer les abeilles, il ne faut pas se plaindre des piqûres. Je suis descendu donc dans la fosse abrutissante avec elle. Mais notre conversation ne fit pas long feu. Son téléphone se mit à sonner et elle décrocha : « Allô ! Oui, ma co, je suis avec mon chéri. Tu sais celui dont je t’ai parlé la dernière fois… Oui, venez nous retrouver. Nous sommes au bar chez…, tu connais non ? »

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