Etouk Dzom la rockstar

Publié le par Nguema Ndong

Nous sommes en 2004, Hubert Daladier Minang est le nouveau magnat d’Oyem. Il alimente toutes les conversations, car il est impliqué dans la quasi-totalité des événements culturels et sportifs de la ville. Du football (USO, organisation de tournois) à l’ouverture d'une boîte de nuit (Le Cabaret) en passant par la musique (production d’artistes, organisation de concert, mise en place d’un orchestre), son nom est cité partout. C’est lors d’une fin d’après-midi de vendredi de cette année, alors que je sortais d’un devoir, que je vis un attroupement au niveau de la place des fêtes d’Oyem. Dans une ville où les activités socioculturelles sont aussi rares qu’une fille nubile et nullipare dans un Matiti de Libreville, le moindre attroupement accompagné d'une diffusion de musique à hauts décibels attire obligatoirement des curieux. En m'y approchant, je vis des amis qui m'expliquèrent que le magnat d'Oyem organisait un énième concert gratuit et que cette fois-ci, l'invité n'était autre que Kacky Disco. Le chanteur à la voix rauque venait de sortir son tube Apindi Apindi. À cette époque, le transfuge des Kodos était sans conteste l’un des artistes le plus en vue du pays et on se l’arrachait à coût de gros cachets.

Nous eûmes droit en ouverture de spectacle à la prestation d’artistes locaux notamment Clarisse Nzang Mezui (animatrice à Radio 9) et  Ngane-Mot qui d’ailleurs était mon enseignant cette année-là. Kacky Disco monta à son tour sur scène vers 20 h, la foule était modestement en liesse. Son répertoire de l’époque n’était pas encore bien connu du plus grand nombre. Seuls Apindi Apindi et sa partie dans le tube Rassemblement sorti avec son ancien groupe étaient connus de la majeure partie du public. Pendant plus d’une trentaine de minutes, il tint le public en haleine avec son fameux Matsuka Matsuka. Le public oyemois lui rendit des honneurs à l’aune de sa prestation.

Vers 21 h, alors que le public commençait à se lasser, l'animateur annonça l'arrivée d'un artiste local. Sur le coup, la foule était un peu grognonne, il se faisait tard et le concert devenait, je l’avoue, un peu monotone. Beaucoup avaient en tête de rentrer chez eux afin de se préparer pour la soirée (une virée Chez Grazy, à Inanga Dehors, au New Pam-Pam ou ailleurs). Mais quand le présentateur annonçait le nom de l’artiste qui arrivait, ce fut l’hystérie collective. J’étais étonné de voir Ndong Mboula susciter un tel effet, puisque c’est de lui qu’il s’agissait. Je n’exprimai aucune émotion pour le simple fait que  j’attendais de comprendre les motivations à une telle réaction.

Ndong Mboula venait de sortir son premier album, une des nombreuses réalisations d’Hubert Daladier Minang. Cet album faisait suite à une absence de près de quinze (15) ans. L’opus était sorti un an auparavant, en 2003, et il était en forte rotation dans les foyers, les bars, les kiosques de vente de musique et à la radio locale. Alors, tout de noir vêtu, avec une de ses vestes zazoues parsemées de paillets, Ndong Mboula fit son apparition. Dès les premières notes de Moïse, un de ses plus vieux succès qu’il avait repris dans cet album, je n’étais plus indifférent. J’avais l’impression de décoller du sol comme le chante Calogero, j’étais en apesanteur. Nous faisions chorus avec le Teko et ses paroles étaient entièrement reprises. Je chantais à pleins poumons, je pense que ce jour-là, je me suis égosillé. Qu’importe, j’étais embarqué dans l’euphorie suscitée par la musique de l’enfant terrible d’Adzap, le concepteur du Mboula Jazz. Un seul artiste m’avait fait autant d'effets, c'était Michael Jackson quand je le vis passer devant chez moi à Oyem, en 1992, quand j'étais enfant.

Quand vint le moment de clore sa prestation, il était donc temps de jouer le désormais cultissime Etouk Dzôm. L'intensité des cris avait repris de l’ampleur. S’il s’était aventuré à se jeter sur la foule comme une rockstar à la fin de sa prestation, nous étions tous prêts à l’accueillir et à le porter aux nues. Mais il ne fit rien, si ce n’est continuer de nous donner du plaisir avec son chant. Ce jour, nous vîmes naître un grand qui venait presque d’éclipser une vedette nationale. Le chargeur de bus à la gare routière d’Oyem avait maintenant un autre statut.

Malheureusement, son succès resta encore local pendant quelques années. Il enregistra un second album grâce au même producteur. Ce n’est qu’en 2006, qu’il va connaître le succès national -certains parleront d'un succès phénoménal d’où le pseudonyme-  à la suite de la diffusion du clip vidéo d’Etouk Dzôm sur TV+, mais surtout grâce à sa participation au spectacle Le Grand-Nord en concert de cette année. La promotion de cet événement va lui permettre de participer à de nombreux Talk-Shows. Et le public gabonais sera séduit par la qualité de son œuvre, mais aussi par le personnage. Un homme d’une cinquantaine d'années portant une boucle d’oreille et ayant un sens avancé de la formule. C’est un fait si atypique dans le paysage audiovisuel gabonais qui accroche inéluctablement le téléspectateur. Personne n’a oublié ses fameuses déclarations restées ancrées dans l’inconscient collectif gabonais. Je citerai entre autres : ce sera de saccade en saccade ; ce sera du Taotao ; c’est une poupée de l’humanité ; je m’en fous si tu n’as pas de mamelles, je donne un coup de baiser et je fous le camp ; il est prévu pour les imprévus, il faut prévoir afin de valoir… Pour ma part, je considère que la plus marquante de ses déclarations est celle qu’il fit à la veille de la célébration de la Saint-Silvestre de 2004 au journal de TV+. Ce jour-là, il devait se produire au PK8 (Libreville) à l’agence Voyages & Loisirs des Tropiques. Quand le journaliste lui demanda ce que veut dire « Etouk Dzôm », sans broncher il répondit ceci: « Etouk Dzôm, c’est une personne déchiquetée, une épave ». Il y a déjà 11 ans et je m’en souviens encore comme si c’était hier. Mais telle une fusée, Ndong Mboula, s’explosa en pleine ascension. Il passa du climax au nadir en très peu de temps. Plusieurs facteurs sont exposés pour expliquer cette situation. On évoque constamment diverses escroqueries dont il fut victime de la part de ses différentes équipes de management, mais aussi des choix artistiques peu convaincants par la suite. Pour ma part, je lui souhaite un come-back à la mesure de son talent. Qu’il nous renaisse de ses centres tel un phénix. 

Artiste incompris de la plupart des personnes, son excentricité pouvant frustrer. Mais que serait une rockstar sans excentricité ? Ndong Mboula est peut-être la seule rockstar du showbiz gabonais et beaucoup ne l’ont pas encore compris.

Publié dans Musique

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O
C"est vraiment dommage que cet artiste n'ait jamais reçu les hommages qu'il mérite en dehors de quelques parmi lesquels ce brillant article écrit par NGUEMA NDONG à qui je dis mille merci.<br /> Mais...que veut-on, le paradigme même d'un artiste c'est d"abord sa vie, qui, souvent heurtée à plusieurs sensibilités s'éparpille en mille regrets, déceptions, trahisons...où les joies sont éphémères et difficiles.ET POURTANT, ET POURTANT, C'EST EN TOUT CELA QUE L'ARTISTE TROUVE SA PLUS GRANDE FORCE ET SA JOIE : CELLE DE SE RENDRE COMPTE QU'IL EST SI DIFFERENT DU COMMUN DES MORTELS . (Obame Mbegha Rodrigue)
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N
A mwi OBAME MBEGHA RODRIGUE, merci pour votre commentaire.
M
Mbolo a modzang Nguema Ndong, non il n'est pas bloqué. Je l'ai temporairement désactivé parce que je ne veux pas être filé par les RG en 2016 kiakiakiakiakiakiakia. C'est pour le school.
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N
Ah! Ah! Pour les RG là, c'est une vieille affaire. <br /> Bon courage pour le school.
M
Beau texte.
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N
Mbolo Essa,<br /> Merci pour le commentaire.<br /> <br /> Je suppose que ton compte Facebook est de nouveau bloqué.
N
Vrai de chez vrai !!!
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N
Ah! Ah! Yes Frangine, tu sais de quoi je parle.