Barbare et Eloplop : brève l’histoire de deux mots

Publié le par Nguema Ndong

Barbare et Eloplop : brève l’histoire de deux mots

C’est un petit que j’ai écrit en 2017 et que j’avais publié uniquement sur Facebook.

Pour le commun des mortels, le mot barbare renvoie à une personne cruelle, féroce, abrupte. En somme, c’est une âme en déphasage aux règles de bienséance. Par ailleurs, nous savons aussi que le terme barbare désignait chez les anciens Grecs toutes les personnes qui ne parlaient pas leur langue. La construction et même le sens séminal de ce terme me rappellent l’expression « Eloplop » dont la vulgate tend à prohiber l’usage au Gabon. Le mot barbare est formé à l’origine sur l’onomatopée « bar-bar ». C’est une reproduction du son supposément émis par une personne étrangère quand elle parle. Mais c’est avec les Romains que le mot prend petit à petit le sens péjoratif que nous lui connaissons aujourd’hui. En effet, durant la période dite « des invasions barbares », face à la brutalité des peuples germaniques qui menèrent ces actions, les Romains vont donner corps au sens actuel du mot. Revenons, un moment, au Gabon et au terme Eloplop qui nous intéresse au. Comme pour l’origine de barbare, c’est une onomatopée, lop-lop, à laquelle on a ajouté le préfixe « E » pour marquer le singulier, car au pluriel, on dit « biloplop ». À l’instar de barbare, Eloplop est celui qui s’exprime dans une autre langue et par ricochet, celui qui est étranger au peuple Fang-Beti. Avec le temps, le mot a subi une apocope pour devenir « élop ». Par ailleurs, le terme barbare a revêtu au fil des ans un côté nocif — comme je l’ai susmentionné — que l’on ne retrouve pas dans « éloplop », sauf dans la bouche de quelques ignorants de l’étymologie de certains mots.

Malheureusement, beaucoup de personnes pensent, par ignorance et par un faux anti-ethnicisme, que ce terme est une injure. Qu’y a-t-il de toxique dans le fait de dire à quelqu’un qu’il ne parle pas une langue ou qu’il est étranger à une coutume ? Nous sommes d’essence tribale et le Gabon est constitué de plusieurs peuples. Personne ne l’ignore à défaut de verser dans une cécité intellectuelle volontaire. Je mets les gens au défi de me prouver que le terme « étranger à une culture » n’existe pas dans le reste des langues du Gabon. Tout le monde le sait, mais sous le diktat du vivre ensemble, on doit réécrire l’histoire. Alors que tant de vices nés durant la colonisation ont encore bon nombre de partisans dans ce pays. Cette tendance à refuser de voir ce qui est me donne envie de poser une question : « Quand pourrions-nous dire le réel, au Gabon, sans être taxés d’ethnicisme ? » Au lieu d’agonir systématiquement d’épithètes injurieuses, tous ceux qui osent penser autrement que cette doxa, il faudrait d’abord étudier le substrat de la République Gabonaise, quand on n’a aucune connaissance.    

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