Mon pari 2020

Publié le par Nguema Ndong

Mon pari 2020

J’ai créé mon blog en 2009 à la suite de l’élection présidentielle de cette année. Je voulais y développer mes idées en profondeur. Une chose qui n’est pas toujours évidente lorsque l’on est membre d’un groupe. Je trouvais que le rap n’offrait pas la liberté d’écriture à laquelle j’aspirais. Les analyses souffraient parfois d’une superficialité relative aux contraintes de cet art à savoir : le respect des mesures, des rimes, des assonances, des altérations, des césures, de la durée de la chanson, du rythme, de la prosodie, etc. Cela me donnait l’impression de brider mon inspiration et mon argumentation. Je me suis par conséquent tourné vers le blogging sans pour autant abandonner le rap. Au contraire, entre 2009 et 2020, avec mon groupe, nous avions publié deux albums. Toutefois, en 11 ans, j’ai continué de raconter mon quotidien, mes aspirations et mes points de vue sur l’évolution de la société. Cependant, depuis un moment, mes publications sur ce médium ainsi que sur ma page Facebook se raréfient. Je mentirai en disant que cela est consécutif à une panne d’écriture ou à l’intensité de mon activité professionnelle. Non ! Il n’en est rien de cela. Bien au contraire. En effet, après plus de 20 ans de rap, qui demeure l’amour de ma vie, j’ai pris le pari de sortir mon premier opus en solo cette année, 2020. J’avais déjà entrepris une démarche similaire, en 2012, mais elle n’avait malheureusement pas abouti. Cette fois, je m’engage à aller au bout de cette ambition. Croix de bois, croix de fer, si j’échoue, je deviens la risée de mes lecteurs.  

Mes fidèles lecteurs connaissent mon attachement à ma langue natale et mon combat pour la promotion de nos traditions. De ce fait, toutes les chansons et les interventions de cet album se feront en fang à défaut, dans les langues des invités. Par conséquent, ni le français ni toute autre langue imposée par la colonisation et la globalisation n’y figurera. Il est peu pertinent de militer pour une cause quand, soi-même, on ne l’applique pas. Si je blogue en français, je ne rappe désormais qu’en fang. Nous devons tous porter cette lutte comme un idéal commun afin de ne pas perdre notre identité. Un peuple qui ne parle plus sa propre langue est un peuple aliéné, car la transmission de l’ipséité demeure plus efficace par l’usage de l’idiome. Un fang, qui ne parle pas fang, est un fang de nom. La même logique s’applique chez les kotas, les punus, tekés, etc. Par ailleurs, quelqu’un a écrit un jour : « On n’a jamais mieux créé que dans sa propre langue ». Ce postulat nourrit également ma démarche. Car l’artistique et l’esthétique vont de pair.

Cet album sera entièrement en fang, cela ne sous-entend en aucun cas un plongeon dans le folklorisme. Je vis pleinement avec mon époque sans être anhistorique et sans renier l’héritage de mes ancêtres. Je rame à contre-courant d’une certaine logique moderne. Celle qui exige de défaire le monde et de ne pas assurer le continuum du combat des aïeux. Mais de bâtir un nouvel univers avec des valeurs importées. François Meye, un ancien ministre gabonais, avait écrit : « La fidélité à la tradition ne consiste pas à refaire les mêmes choses que les ancêtres, mais plutôt à retrouver l’esprit qui les a guidés à travers les siècles ». Mon album sera donc modelé en s’inspirant de ce type de pensées qui en constituent la matrice conceptuelle. Il ne sera pas question, ici, de dire aux gens de retourner à l’âge de pierre, d’idéaliser un passé fantasmatique, de se vêtir de cache-sexes, de renoncer à l’esprit critique et au raisonnement scientifique pour accepter des illusions, des fables, des mythes, des histoires pour les enfants. Au contraire, de les inciter à vivre leur époque, leur quotidienneté en s’abreuvant du passé, sans pour autant sombrer dans un littéralisme aliénant, pour créer le futur.

Ce ne sera pas non plus l’occasion de sortir un album de rap avec une coloration typiquement des années 1990. Le Boom Bap reste mon style de prédilection, néanmoins, je trouve aussi du plaisir dans d’autres univers. De ce fait, je mélangerai plusieurs sonorités (anciennes et nouvelles). Je revisiterai l’ensemble de tous ces genres qui m’ont bercé et qui m’ont plu. Le fond sociopolitique qui caractérise ma musique ne sera pas en reste. Cependant, le combat culturel y sera prépondérant, car j’ai compris avec Antonio Gramsci qu’il faut mener la bataille culturelle pour gagner la bataille politique. Et on nous enseigne aussi que le Mvett, le mythe fondateur du peuple fang (Ekang), serait né durant leur migration. En ce temps-là, le peuple fang était en proie à plusieurs défaites infligées par ses adversaires. Afin de donner un effet roboratif au mental des fangs qui sombrait petit à petit dans le désespoir, Oyono Ada aurait créé ce genre épique qui présente son peuple comme étant issu d’une lignée de combattants immortels. Voilà le levain des choix artistiques et idéologiques de mon projet : utiliser la culture pour mener une lutte politique et sociale.  

En somme, nous sommes en mars, il me reste 10 mois pour réaliser mon projet. J’espère qu’en décembre, je pourrai cocher fièrement cette case en me disant "objectif atteint". Aussi, je ne vais pas cesser de publier des chroniques, mais de façon ponctuelle. À tous mes lecteurs, je vous donne rendez-vous dans bientôt pour AGNENG ZOA. C’est le titre que je vais donner à cet album et je m’expliquerai d’ici peu.

#AgnengZoa #MonPari2020 #MonPariGabon #RapFang #Gabon #Oyem

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A
Texte honnête et inspirant. Toutes les valeurs et le combat de l'homme se ressentent dans ce texte
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N
Merci pour votre contribution.
A
It is always a pleasure to read you. Faave ossou!
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N
So do i