L'amère saveur de la naïveté (2e partie)

Publié le par Nguema Ndong

L'amère saveur de la naïveté (2e partie)


Les premiers pas à la capitale

Âgée de dix-huit ans, elle n’avait personne pour l’héberger au cours de ses deux années de sa formation à la Libreville. Cependant, elle avait élu provisoirement domicile chez la cousine de son père. Elle y résida durant le concours et en attendant de trouver une chambre à louer non loin de son nouvel établissement universitaire. Ses parents étaient des gens de peu et elle ne se faisait point d’illusions. Dorénavant, elle ne compterait plus que sur eux. Elle savait que sa survie à la capitale reposait sur deux facteurs que sont la bourse que l’État versait aux étudiants et la force de ses mains. Elle avait désormais l’obligation de concilier école et travail afin de payer sa nourriture, son loyer, ses vêtements, etc. En somme, de subvenir à ses propres besoins. Elle subirait toutes les humiliations possibles. Quand on criera sur elle, lorsqu’on lui manquera de respect, elle n’aura en tête que cette belle phrase que leurs parents leur répétaient toujours : « le bonheur réside derrière la souffrance ». Elle se dira que toutes ces gageures ne sont que le prélude d’une vie pleine de bonheur pour elle et l’ensemble de sa famille. Car Eyui se voyait comme la cheville ouvrière de la sortie de la précarité de sa famille. Mais pour faciliter son installation à la capitale, Evouna et Melanga avaient dû lui envoyer une bonne partie de leurs économies. Ce pécule allait lui permettre de préparer convenablement le début des cours. Ainsi, cette dernière s’acheta quelques bricoles. Elle fit évidemment l’impasse sur les vêtements. Elle se contenta de ceux qu’elle avait ramenés d’Oyem et qui n’étaient plus très neufs tout en n’étant point des hardes. Elle n’acquit que le matériel scolaire. Puis à la rentrée des classes, Eyui croisa une autre jeune fille d’Oyem nommée Mengue. La jeune dame avait trois ans de plus qu’Eyui. Elle avait eu un enfant lorsqu’elle était quatrième. Le père de ce dernier était son professeur principal, un homme marié. Il n’avait jamais reconnu cette grossesse. Par conséquent, il n’avait jamais vu son fils. Cet accouchement avait un peu perturbé la scolarité de Mengue. Du coup, elle se tenait loin des hommes. À Oyem, Eyui apercevait Mengue de temps en temps dans la ville. Elles n’apprenaient pas dans le même lycée et elles ne s’adressaient pas la parole. Les matins, comme bon nombre d’élèves, de la localité, elles marchaient pour se rendre dans leur établissement respectif. Sauf qu’à l’ENI, elles ne connaissaient personne d’autre. De ce fait, elles se résolurent à se dire bonjour avant de discuter de façon permanente. Elles s’assirent sur le même banc. Au fil des jours, les deux filles devinrent de plus en plus proches. Et c’est de ces échanges qu’Eyui apprit que Mengue aussi était à la recherche d’une chambre à louer à proximité de l’ENI. Le coût prohibitif du transport grevait considérablement leurs modiques économies. Elles prirent alors la décision de se mettre à la recherche d’un logis commun. Chaque fois qu’elles avaient du temps libre, elles prospectaient dans le quartier. Elles avaient décidé de partager le loyer en deux parts égales dès qu’elles trouveraient un logement à la hauteur de leurs moyens. Cette solution réduirait les dépenses de chacune. Car Mengue, non plus, n’était pas née avec une cuillère d’argent dans la bouche. Heureusement pour elles, leur quête ne fut pas de longue durée. Au bout de quelques jours, elles emménagèrent dans une minuscule pièce qui ressemblait plus à un chenil qu’à une chambre. La toiture de ce taudis était en piteux état. En cas de pluie, il fallait déplacer les affaires pour qu’elles ne se mouillassent pas. En plus, elles n’avaient pas de lit. Elles posaient un matelas à même le sol et si d’aventure, il se trempait, les deux jeunes filles passaient la nuit sans fermer l’œil. Quant aux murs en planches, ils subissaient l’outrage du temps et les assauts des termites. Non loin de là ruisselait une rivière polluée par les ordures ménagères des riverains qui formaient çà et là des amas d’immondices d’où s’exhalaient de fétides odeurs. Des dégorgements tapissaient une bonne partie du quartier. Les reptiles et les rats y pullulaient. D’ailleurs, on entendait chicoter ces immondes rongeurs dans toute la maison et ils détruisaient parfois les vêtements des deux jeunes dames. Mengue et Eyui avaient certes passé toute leur vie dans l’impécuniosité à Oyem, néanmoins, elles n’avaient jamais vécu dans un tel niveau d’insalubrité et de promiscuité désagréable. Malheureusement, c’était tout ce que leurs modestes moyens leur permettaient de s’offrir comme habitation à la capitale. Loin de les démotiver, cela constituait au contraire une autre source de motivation pour elles. Elles se disaient que plus vite elles allaient terminer leur formation et plus vite elles quitteraient ce pauvre univers en contre-plaqué, en planche et en tôle, tel que l’aurait écrit Hubert Freddy Ndong Mbeng. 

 

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