Les femmes d’Oyem sont les plus belles au monde

Publié le par Nguema Ndong

Selon Oscar Wilde, la beauté est dans l’œil de celui qui regarde. Une fois que c’est dit, aucun débat n’aura de sens quant à mon postulat de départ. Toutefois, je me dois de donner mes arguments afin que nul n’ignore pourquoi j’affirme cela.

Marché de Mbwema

Marché de Mbwema

Je ne suis pas né à Oyem, mais j’y ai passé 17 ans de ma vie et depuis que j’ai quitté cette ville, j’y vais de façon régulière. Je connais mieux cette ville qu’aucune autre. Je connais ses forêts, des rivières, ses bars, ses hôtels, ses rues, ses quartiers, ses villages, ses marchés, ses ombres et ses lumières. Je connais ses enfants, ses hommes et ses femmes. Oyem constitue un élément de mon ADN. Je m’y sens comme un poisson dans l’eau. De fait, une légitimité me permet d’en parler et dans ce texte, je fais allusion uniquement aux femmes qui y résident et non aux autochtones. Ainsi, que l’on soit Fang, Punu, Bamiléké, Obamba, Malinké, Peule, Haoussa, Mongole, swazie, Bretonne, Kazakhe, etc., dès que l’on réside à Oyem, on appartient à la caste des houris du monde. Celles qui trônent au sommet de la pyramide de la beauté féminine. La preuve, une fois que certaines voyagent pour Libreville, ou pour une autre destination, leur éclat s’étiole et l’on a l’impression d’être en présence de nouvelles personnes. Elles deviennent souvent "avalézing", la laideur chasse systématiquement la beauté.

Ce n’est qu’à Oyem que je trouve les femmes en ballerines élégantes alors qu’ailleurs, leur présence m’horripile, sans doute l’un des nombreux effets de la magie de Nkoum Ekiegn. Les femmes d’Oyem ont un charme indicible. Quand vous y êtes, vous avez l’impression qu’à chaque coin de rue, on organise un concours de beauté. Elles rivalisent de joliesse. Je ne sais pas si, ailleurs, on arrive à trouver autant de venus, de tanagras, de sylphides, de Mami Wata, de Mi m’abebe (celle que l’on dévore du regard) et de je-ne-sais-quoi au mètre carré. Elles ont une peau éclatante à se demander si elles ne se baignent pas dans une fontaine de Jouvence. Le malheur des hommes en ces lieux, c’est d’être en compagnie d’une autre femme. Parce que, on a du mal à retenir ses yeux qui réclament inlassablement un rinçage. Et quand vous êtes au marché de Mbwéma, le principal vivier de ces divines créatures, il faut s’armer de concentration. En effet, vous courez le risque d’être emporté par des appétitions libidinales nourries par l’abondance des graciles et pulpeuses houris. Y., un de mes frères du village l’avait appris à ses dépens.

Y. a une vie sexuelle plutôt calme, voire quasi inexistante, depuis qu’il souffre d’un mal qui ressemble à la schizophrénie (je ne suis pas un expert). Il occupe son temps à travailler afin de s’offrir quelques cigarettes ou de la nourriture. Et parmi ses activités génératrices de revenus, il y a la vente du bois de cuisine. C’est d’ailleurs au cours d’une de ces ventes qu’il vécut une aventure cocasse qui laissa stupéfaits tous les témoins oculaires. En effet, Y. revenait de la forêt avec son fagot sur la tête. À mesure qu’il s’approchait du marché, il rencontrait des femmes aussi jolies les unes que les autres. La charge qui ne le détournait pas de son envie de contempler ces jolies créatures échappées du Paradis. Il les dévorait du regard en plongeant dans une vision orgiaque de la situation. Lorsque l’on développe de tant de pensées lubriques, même en public, notre anatomie, ne tarde pas à réagir. Son appendice entra ainsi dans une colère que nul autour de lui ne pouvait ignorer. Il ne trouvait pas utile de cacher le courroux de son membre viril. D’ailleurs, il avait toute honte bue contrairement à bien des hommes à qui la gêne oblige à dissimuler cette bosse en sortant la chemise du pantalon ou en s’asseyant vitement.

Y. était donc debout au milieu du marché avec son fagot sur la tête et son phallus raidi telle une hampe. Il jetait son regard de prédateur sur les passantes comme un mâle en rut. Lesdites dames s’en méfiaient, car les habitués et les commençants le connaissaient pour ses réactions imprévisibles. Tous doutaient qu’il allât se produire un incident. Y. restait immobile et de grosses gouttes de sueur coulaient sur visage. On avait l’impression que son pantalon allait exploser, vu que la bosse ne cessait de prendre de l’ampleur. Soudain, il déposa violemment sa charge sur le sol et avec une rapidité inouïe, il dégaina son robinet à la stupéfaction générale. Le monde autour de lui s’arrêta. On entendait que des cris d’orfraie. Tous les yeux se rivèrent sur son vit. Certain.e.s étaient choqué.e.s par son geste d’autres au contraire étaient curieuses. Comme toujours, plusieurs femmes firent des commentaires sur la taille de sa verge (il a une liane, hein ; ce n’est même pas gros ; quel gâchis ; etc.)

Tout en dédaignant les regards inquisiteurs, réprobateurs ou admirateurs, Y. commença un onanisme comme s’il était en toute intimité. On aurait dit Diogène de Sinope. Certains l’acclamaient, d’autres lui lançaient des imprécations. Son action ne laissait personne indifférent. Au contraire, elle ameuta les gens aux quatre coins du marché. Ils se précipitèrent vers ce spectacle érotique. La foule devint dense, mais cela ne le freina point. On avait plutôt l’impression que cela nourrissait son excitation, alors il accéléra le va-et-vient de sa main sur son membre viril. Puis, quand retentirent les cloches du Nirvana qui annoncèrent l’ouverture imminente des écluses, Y. se mit à crier « M’aboh Zame yah ? M’aboh Zame yooooh ? » Je pourrai traduire cela par : « qu’ai-je fait à Dieu ? Qu’ai-je fait à Dieu ? » Y. se plaignait de Dieu, car il serait le seul responsable de sa situation. C’est à cause lui qu’il ne pouvait pas profiter des charmes de toutes ces jolies dames qui fourmillaient en ce lieu. Ses troubles psychologiques l’avaient condamné au célibat. Il ne lui restait plus qu’à fantasmer sur ces houris. Il se sentait comme un exclu du partage de ces richesses.

Y. se toucha encore quelques secondes quand subitement, il s’immobilisa et se tut, la bouche ouverte. Tout son corps était pris de spasmes. On avait l’impression qu’il faisait une attaque cardiaque. Puis, il lâcha son robinet d’où s’échappa une salve de sa liqueur séminale qui alla éclabousser le visage d’une femme qui se tenait à trois (3) mètres environ. La foule comme un seul homme s’esclaffa. Se sentant souillée physiquement et dans son amour-propre, la dame se jeta sur Y. telle une panthère en furie. Ce dernier réussit à éviter de tomber dans les griffes de l’amazone vexée. Alors ils amorcèrent une course poursuite à travers le marché. Grâce à son agilité, Y. sema sa poursuivante et il se précipita par la même occasion chez lui, en oubliant derrière lui son fagot à la merci de la foule.

Lorsque la beauté est enivrante tel le chant des sirènes, elle conduit dans les rets de l’insouciance et de la démesure. Si un jour vous passez par Oyem, admirez la beauté de ses femmes, mais ne perdez pas votre concentration. Et pourquoi pensé-je qu’elles sont les plus belles au monde ? Parce qu’elles vivent dans la ville de mon cœur. Comme ma mère. Aucun endroit dans le monde n’est plus beau que chez soi et tout ce qui vit dans le beau ne peut être laid. Rien ne paraît hideux à mes yeux à Nkoum Ekeign, sauf les chemises du parti des masses. Je sais que d’aucuns vont crier au paralogisme en lisant ces lignes. Toutefois, on doit comprendre qu’il s’agit ici de perception et les émotions l’influencent considérablement. En somme, c’est le cœur qui parle et non la tête. Parole d’un amoureux d’Oyem.

Publié dans Fiction, Oyem

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